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Hier ne doit pas être demain

Dernière mise à jour : 3 mai 2020


En trois mois une pandémie a obligé près de la moitié de l’humanité à se confiner. Quelle société doit en renaitre ?

On peut résumer l’acuité de la question par quelques chiffres simples : la mondialisation financière a mis 70 ans pour arriver à son niveau actuel, le numérique, 40 à 50 ans, internet 25 ans à 30 ans et le covid 19 moins de 3 mois pour être planétaire.

Il y a encore quelques semaines, les plus experts nous affirmaient que le monde ne faisait qu’une entité de marché unique, d’autres que le XXI siècle serait religieux ou ne serait pas. Les politiques de la décennie en cours ont annoncé la création d’un nouveau monde qui balaierait l’ancien, et les mordus des technologies que la révolution était digitale.

On pourrait sans doute prolonger longuement la liste. Mais reconnaissons que nous nous sommes tous trompés et que nous avons focalisé les réflexions sur les conséquences, sur les outils, sur des parties de la chaîne alors que le problème était plus vaste.

Chacun y allait de son argumentaire, de ses convictions, moi y compris.

Nous en serions tous encore là, à nous enfermer dans nos propres convictions, si un minuscule petit grain de sable n’était pas venu enrayer les belles machines intellectuelles que nous sommes ou que nous pensons être.



 

Face aux risques majeurs, Depuis 1986 notre amateurisme collectif gaulois n’a pas changé

Avril 1986, la centrale nucléaire de Tchernobyl explose, et le nuage radioactif s’arrête, à la frontière de notre beau pays (sic).

14 mars 2020, 4 heures avant l’entrée en vigueur, phase 3 de la pandémie, des milliers de Français se précipitent dans les restaurants pour en profiter une dernière fois… Car en France le risque réel ne commencera bien évidemment qu’à minuit.

Ce lundi matin de multiples COMEX se réunissent pour prendre les décisions pour leurs entreprises : et ils ont laissé leurs salariés venir au boulot. En période de crise il n'y a pas week-end ?

Et, pendant ce temps, le virus s’échange allègrement.

Un virus n’a pas de frontière, pas d’heure officielle de contamination, pas de we… Il ne s’agit pas de catastrophisme mais juste de bon sens. Il s’agit d’admettre que les « Gaulois » sont aussi fragiles que les Italiens. Il s'agit de continuer à vivre et à travailler différemment, car contrairement aux pandémies historiques nous avons la chance de bénéficier d'outils pour limiter la casse.



 

Economie de l'indécence

Dans la société numérique, le respect de la loi n'est en rien un gage d'honnêteté.

Il y a quelques années un dirigeant d'organisme paritaire me confiait sa doctrine: «la loi, toute la loi, rien que la loi…» et force est de constater que ce dirigeant était en perpétuels conflits. Il ne savait pas ce que «négociation» voulait dire, encore moins «compromis». Au final, il n'a jamais été à prendre de décision depuis la ligne magique de «légal - pas légal» s'y substituait. Pour lui, la vie se résumait à une muraille infranchissable avant et après qu'il n'y avait rien.

Pourtant, les sociétés se sont construites à partir de la régulation humaine reposant sur des notions plus ajustables telles que l'éthique ou l'honnêteté. Deux concepts moins rigides que la loi et dont la souplesse à permis le plus souvent les grandes avancées: dans les sociétés démocratiques la loi n'intervenant que lorsque le bon sens commun fait défaut. Mais la loi n'est jamais anticipatrice, elle cherche le plus souvent à compenser les excès que la régulation, qui devrait être naturelle entre les différents protagonistes, ne suffit pas.

Prendre la loi comme unique credo est souvent, à terme, suicidaire: la noblesse de 1789 appliquait certainement la loi, rien que la loi et toute la loi…, mais elle n'en a pas moins été décapitée. Le sentiment d'équité n'existait plus et la justice, reposant exclusivement sur le respect ou non de la loi, était paradoxalement perçu comme injuste: les privilèges de quelques-uns étaient devenus indécents pour la multitude des autres. A chaque fois que ceux qui influent sur la loi en sont les premiers bénéficiaires et en revendiquent le strict respect, excluant toutes les souplesses de l'honnêteté, de l'éthique et du bon sens de la vie en société, le sentiment d'iniquité finit par les balayer.

Dans une société numérique, qui accroît les écarts, le phénomène est particulièrement frappant: la vitesse de la technologie, le retard du législateur, l'incompréhension des utilisateurs, permettre à quelques personnes, particulièrement peu soucieuses du bien d'autrui, de faire fi de toutes les règles de bon sens et de décence qui gèrent la vie en société. Voir les dirigeants des grands groupes du numérique s'enrichissent par dizaines de milliards de dollars en moins de 2 décennies, relèvent d'une abyssale indécence humaine au regard de celle des pouvoirs tyranniques n'a pas grand-choisi à envier.

Cependant, ces sociétés et leurs dirigeants respectent la loi puisque celle-là avance infiniment trop lentement: et lorsque celle-ci semble les rattraper leur police feu de tout bois pour la ralentir. Le déploiement du RGPD, la loi sur les droits voisins sont deux exemples européens qui illustrent la mauvaise foi de ces acteurs d'une économie de domination. Lorsque YouTube, au lieu d'avoir la décence de se taire, incite à la révolte contre une loi qui va légitiment repartir les richesses sur atteint le paroxysme de l'indécence. YouTube, Facebook, Amazon, Uber…, et tant d'autres sont dans cette même logique: ralentir le législateur pour continuer à bénéficier d'un vide juridique. Ils ne sont pas dupes de l'évolution légale, mais leur stratégie est simple: plus ils auront amassé et moins ils seront touchables. Les propositions de notre ministre de l'économie leur donnent raison: il promeut la fiscalisation de ces grands groupes (enfin !!!) mais prend soin d'affirmer dans le même temps qu'il n'est pas question de revenir sur le passé . En somme on va légiférer l'indécence mais pas la sanctionner.

Il ne faut pas s'étonner, alors, de voir des cohortes de juristes chercher toutes les voies légales pour contourner un comportement décent. Il est legal pour Google allez, en 2019, héberger 20 milliards de profits aux Bermudes ou à Netflix de cacher ses bénéfices aux Iles Caïmans, pour éviter la fiscalité de pays comme la France tandis que tous ses abonnés eux doivent payer rubis sur l 'ongle. Grâce à cela le dirigeant de Netflix s'est enrichi à plus de 3 milliards de dollars…

La société numérique est une formidable opportunité pour l'humanité à la seule condition qu'on y remette du sens. L'enrichissement du personnel qui se fait grâce à un vide juridique est tout aussi condamnable que celui qui se fait hors de la loi. Seulement si ce dernier est réglé par un jugement, le premier est réglé par les révoltes. Il est dramatique de voir qu'une poignée d'individus joue impunément de notre destinée collective.

Il est grand temps de remettre le bon sens au cœur du développement numérique: c'est la mission des sociétés démocratiques. On est en droit d'exiger de nos gouvernements de mettre en œuvre toutes les protections dont nous avons besoin, mais nous devons aussi être nous-mêmes très lucides sur notre manière de consommer les produits de l'industrie numérique


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