Le sujet n'est pas nouveau. Il revient à l'occasion de tous les grands débats. Et les vœux, plus ou moins pieux, de donner le pouvoir aux territoires, à l'action locale, à la proximité et aux circuits simples et courts, a du mal à prendre la force d'une économie ayant la force de s'imposer. Sauf en cas de circonstances exceptionnelles. Il ne s'agit pas de débattre sur les vertus d'un nouveau modèle citoyen de proximité : le confinement que nous venons de venir l'a démontré, grandeur nature.
Il s'agit de se donner les moyens d'imposer ce système de valeur, dans une transition "pacifique et irréversible". Toutes les grandes utopies (avant de devenir des dictatures), ont buté sur la phase de transition. Nous avons davantage besoin d'accompagner les transitions que d'intellectualiser un ixième nouveau modèle.
Comment unir et mobiliser ces forces, dans une démarche pacifique, résolue, non polémiste?
C'est la clef de la mise en marche des territoires et de la proximité.
Non seulement résister, mais avancer sans esprit de revanche...
Bonjour Dominique,
"peut-on être le tyran éclairé de soi-même, dans le respect fondamental des autres?"...
Question intéressante, et pertinente. Ce qui me saute aux yeux quand vous écrivez ça, c'est l'implicite notion de dualité intérieure. Pour être mon propre tyran, je dois accepter d'avoir deux (ou plusieurs) parts qui n'ont pas nécessairement les mêmes désirs, les mêmes aspirations. Je pense que ce que j'ai décrit plus haut s'applique de la même façon à l'organisation des êtres en société qu'à l'organisation de mes parts, et qu'une des clés est ma capacité à trouver mon écologie intérieure, dans le respect de chacune de mes parts, de leurs besoins. Quand j'aurai acquis la finesse d'écoute de mon propre système intérieur, que je serais capable de vivre ces aspirations différentes (par exemple je pourrais avoir une première part animée par des besoins de sécurité, et de confort, une seconde des besoins de contribution, de création, de sens, une troisième un besoin de reconnaissance d'expression, de pouvoir se dire, et enfin une part qui aurait besoin de lien, de reliance, de préservation) de façon intégrée, et non pas de façon dissociative, alors, j'aurai la capacité à faire de même avec les êtres qui forment l'organisation sur laquelle je souhaite agir.
Je pense réellement que le processus de changement oeuvre dans ce sens là, "sois le changement que tu veux voir dans le monde".
Ainsi, je ne souhaite pas être mon propre tyran, mais au contraire intégrer toutes mes parts dans un processus écologique interne où chaque part trouve sa place et son rôle.
Le respect fondamental des autres et de chacun est alors une conséquence directe de ce processus.
Quand vous posez la question de la spoliation, cette question a, de mon point de vue, toute sa valeur dans une vision centrée sur l'individu, dans dans une approche comptable, face à des ressources finies.
Si on centre notre vision sur la dynamique, sur l'interaction, sur la relation plus que sur l'individu, alors, la question est plus de savoir quelle est la stratégie qui sert à la fois les besoins de l'un et ceux de l'autre. et c'est là qu'on peut sortir la fameuse référence au "tout qui est plus riche que les parties". Mais pour ça, il faut se désindividualiser, ne pas se percevoir en concurrence (processus dissociatif) mais en complémentarité, en collaboration, en cocréation (processus associatif), et les êtres humains sont des animaux profondément sociaux, nous éprouvons bien plus de plaisir et de satisfaction à faire ensemble que seuls, là est pour moi, une des clés. Je crois même que les plaisirs et satisfactions individuelles ne sont que des compensations du manque de l'autre.
Je ne crois donc pas à, et ne souhaite pas, un intérêt collectif qui surpasse les intérêts individuels, et qui du coup se vivrait nécessairement dans l'injonction et/ou la culpabilisation. avec son corollaire la justice punitive.
Je ne crois pas non-plus à une évolution basée sur un individualisme autocentré qui se fait nécessairement en concurrence.
Je crois en la liberté de chacun, mais une vraie liberté qui implique une grande responsabilité, car être libre, ça n'est pas être irresponsable, au contraire, une vrai liberté implique un grand sens de ses propres responsabilités. Je crois donc en des organisations qui éduquent et qui responsabilisent en non pas en des organisations qui déresponsabilisent, infantilisent, menacent et contrôlent.
Votre dernière remarque :
Notre regard occidental moderne posé sur ces organisations "semi-dictatoriales" a fait de celui qui réussissait à s'en affranchir, le héros (héraut?) de la liberté individuelle et quasi du "développement personnel"...
me fait sourire car c'est exactement mon parcours : au fil de mon développement personnel, j'ai gagné énormément de libertés par rapport à une organisation de ce genre.
"Nous avons TOUT à reconstruire, et d'abord, notre regard."
Oui, à commencer par notre regard sur nous-même et sur l'autre, qui n'est qu'un autre nous même.
Voilà ce que m'inspire votre texte, et la voie, l'aspiration que je souhaite développer aujourd'hui.